Annecy-le-Vieux
Introduction 1 : La terre et les hommes
2 : De la préhistoire à la naissance d'Annecy-le-Vieux
3 : La paroisse et ses édifices religieux
4 : Un moyen-âge obscur et difficile
5 : 17ème et 18ème siècle : une image qui se précise et se durcit
6 : La Révolution et l'Empire (1792-1815)
7 : La Restauration Sarde (1815-1860)
8 : De l'Annexion à l'urbanistion
Annexe 1 : La vigne et le vin Annexe 2 : La famille de Menthon de la Balme au château de la Cour
Autres annexes |
2 : De la préhistoire à la naissance d'Annecy-le-Vieux - 2.2 : Allobroges et Gallo-romains
A la fin du 5ème siècle avant Jésus-Christ, arrivent du Nord des guerriers celtes, les Allobroges. On trouve peut-être leur souvenir dans le nom des ruisseaux appelés « nants », dont l’origine celtique n’est contestée par personne. Annecy-le-Vieux compte plusieurs nants ; en 1715, le ruisseau de la Pesse s’appelait le nant de Charby. Origine celtique probable également pour les noms de lieux où intervient le mot « verre » = aune (pré Vernet dans la montagne, « Chez Vernet » au sud de Sur-les-Bois).
La conquête de l’Allobrogie par les romains en 121 avant J.C. va modifier lentement les modes de vie, notamment en substituant des maisons en pierre aux cabanes gauloises et en organisant un réseau de voies de communication. Une « voie impériale » joignant Rome à Genève passera par Brogny.
L’existence du bourg (vicus) de Boutae, au carrefour des routes de Genève, d’Aix et de Faverges, dans la plaine des Fins, avec ses 25 hectares, deux forums, une basilique, des thermes publics et un théâtre, suffit pour expliquer la présence de nombreux établissements gallo-romains dans l’espace rural alentour. L’incendie de Boutae, peut-être détruit lors de l’invasion des Alamans (260-277), a pu inciter une partie de ses habitants à chercher refuge sur la colline.
Il n’est donc pas surprenant qu’Annecy-le-Vieux soit l’une des communes rurales de la Haute-Savoie les plus riches en vestiges gallo-romains. Leur découverte progressive mérite quelque peu détaillée.
On trouve d’abord une période utilitaire, au cours de laquelle les anciennes pierres servent pour des constructions nouvelles. Dans la seconde moitié du 19ème siècle, les curieux et les érudits s’activent à fouiller le sol d’Annecy-le-Vieux. La « Revue Savoisienne » cite depuis 1851 nombre de leurs trouvailles. Au 210ème siècle, de nouveaux vestiges ont été dégagés par les constructeurs. Enfin, depuis 1978, des recherches approfondies ont été réalisées par des spécialistes aux Islettes, dans un terrain inhabité, à l’occasion de la construction des voies rapides de la sortie Nord d’Annecy. Cependant, bien des vestiges ont dû disparaître sous la pioche des bâtisseurs et des « chercheurs de trésors », ou sont allés enrichir des collections privées.
A première vue, on est frappé par la dispersion des vestiges sur le territoire de la commune. Des trouvailles ont été signalées à Albigny, au Bouchon, à Novel, à Vire-Moulin, à Provins (où une statuette de Jupiter en bronze aurait été découverte en 1672, lors de la construction de la chapelle). C’est au chef-lieu, aux barattes et aux Ilettes que les découvertes les plus intéressantes ont été signalées ; elles jalonnent un ancien axe de transit à flanc de coteau entre la route de Genève et la rive est du lac.
Au chef-lieu, trois pierres portent des inscriptions romaines : dans le clocher, dédicace d’un autel à Jupiter « le meilleur et le plus grand » par Vinicius Servirus ; sur le flanc sud-est de l’église Saint-Laurent, fragment de la dédicace d’une basilique par Caprimius Atticianus, enfin, sur une porte du restaurant Chevallier, pierre portant le nom de Q. Pompeius. On ne sait rien de ces personnages ni si ces pierres ont été trouvées sur place ou récupérées ailleurs (peut-être à Boutae).
L’archéologue Pierre Broise a donné, dans la « Revue Annesci » N° 25 le détail des vestiges découverts au chef-lieu depuis le 19ème siècle par l’archéologue Charles Marteaux et par lui-même.
On en retiendra, outre des tuiles et des murs, une abside avec « pavimentum » (à l’emplacement de la nouvelle mairie), un chapiteau corinthien avec des plaques de marbre, une lampe estampillée Strobilius, un tuyau de plomb, des monnaies, des poteries, des auges en pierre (dont l’une de 2m40 de long est peut-être une section de canal).
Le report sur un plan des lieux de découverte ne permet pas de reconstituer le plan de cet ensemble habité qui semble être étendu sur au moins 250m.
Aux Barattes, dans un terrain devenu « La Jonquière », on a trouvé, depuis 1840, un mur antique (avec le nom de son propriétaire L. Licinius Titurianus), une salle pavée de marbre blanc bordée de colonnes et alimentée par un aqueduc en maçonnerie et des tuyaux de terre cuite ; plus au sud, la propriété Ruphy livrait vingt-deux amphores déposées dans des niches. Des découvertes récentes ont permis une vingtaine de murs présentant par endroits une certaine cohérence architecturale.
De 1968 à 1972, on découvre –à nouveau à La Jonquière- une salle de 7m50 x 13m, avec des murs en moellons et hypocauste[1]. Il semble s’agir du prolongement des découvertes de 1840.
On peut donc admettre aux Barattes, l’existence d’une villa, propriété de L. Licinius Titurianus, s’étendant du Nord au sud sur 350m et large, peut-être, d’une centaine de mètres. La « villa » urbaine se serait trouvée dans la partie Nord (bains avec portiques salle chauffée par hypocauste).
Les monnaies et amphores trouvées aux Barattes couvrent le 1er et 2ème siècle après Jésus-Christ, de l’empereur Tibère à l’empereur Commode.
Enfin, le site découvert aux Ilettes en 1978 a pu faire l’objet de fouilles systématiques par l’équipe dirigée les archéologues Joël et Hélène Serralongue.
Couvrant près de 1300m2, il s’étend en pied de colline sur une terrasse dominant le Fier. Au Nord, sur 200m2, une habitation formée de trois corps de bâtiment, totalisant neuf pièces groupées autour d’une cour centrale. On a noté la présence de fragments de peinture murale et une salle chauffée par hypocauste.
Au sud-est, un bâtiment étroit, de 16m sur 4m, comprend quatre salles au sol de mortier et aux murs peints ; sur ces peintures, on distingue un candélabre et un tambourin reliés par des guirlandes de feuillage.
On a trouvé aux Ilettes de la vaisselle de cuivre et de bronze, enfouie dans une fosse, ainsi que de la céramique africaine, allobroge, etc. Les bâtiments auraient été construits par étape successives et abandonnés au 4ème siècle. Une salle avec hypocauste construite au 3ème siècle semble avoir été détruite lors du creusement d’un puits qui sera comblé au 4ème siècle.
L’ensemble a dû constituer une grosse ferme groupant diverses activités agricoles et artisanales et, laissant une place importante aux espaces habitables. La présence de petits thermes privés (hypocauste) dans une exploitation rurale de ce type n’est pas surprenante.
Ces découvertes ont incité des érudits locaux –notamment l’historien Charles Marteaux- à proposer une origine romaine pour le nom des villages de Brogny (domaine ou villa d’Ambronius), d’Albigny (domaine d’Albinius) et, surtout pour Annecy-le-Vieux (domaine ou villa d’Anicius, située à l’emplacement de l’actuel chef-lieu) ; le nom d’Anicius était celui d’une famille romaine connue. D’autres érudits ont proposé une origine germanique Anericacum. Le débat reste ouvert.
Selon l’archéologue Pierre Broise, le territoire d’Annecy-le-Vieux aurait été découpé en cinq domaines fonciers (fundi) : Brogny à l’ouest (près de la voie Boutae-Genève), Frontenex au nord (jusqu’au Fier), les Barattes (jusqu’au ruisseau du Colovry), enfin, au centre, Annecy-le-Vieux englobant, entre le plateau et la plaine de la Grande Fin, avec un habitat secondaire à Albigny ; l’hypothèse concernant Frontenex semble corroborée par l’existence du Bois Frontenex, lieu-dit situé à 2 km au N.E. de ce village, en bordure du Fier. Un chemin reliait les « villae », centres de ces « fundi » ; la liaison avec Boutae devait être assurée par plusieurs chemins dont l’un aboutissait à l’actuel chef-lieu par l’actuel chemin de l’Abbaye et un autre, à Frontenex, par l’actuel chemin du Maquis.
Le vieux pont de Brogny, situé sur la commune de Pringy, immédiatement en aval et en contrebas du pont routier, était encore considéré en 1963 dans le guide du Tourisme Automobile comme « un remarquable pont romain ». cette datation n’est plus admise aujourd’hui.
[1] Fourneau souterrain extérieur pour chauffer par la vapeur d’eau le sol d’une pièce supporté par des carreaux de terre cuite.
Date de création : 27/02/2010 @ 22:47 |